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Faites connaissance avec Frieda la muse de D.H. Lawrence grâce à Annabel Abbs

Frieda. La véritable histoire de Lady Chatterley d'Annabel Abbs.  Édition Hervé Chopin
Frieda. La véritable histoire de Lady Chatterley d’Annabel Abbs. Édition Hervé Chopin

Frieda Von Richthofen est une jeune baronne allemande. Elle fit scandale en 1912 en abandonnant son foyer et ses enfants par amour et pour se sentir libre. Frieda deviendra la maîtresse, la femme, mais surtout la muse de D. H. Lawrence…

Etonnant. Annabel Abbs avec Frieda, nous dresse sans fard la véritable histoire de Lady Chatterley. Ce livre des Éditions Hervé Chopin nous narre la vie parfois cruelle de celle qui a inspiré D.H. Lawrence notamment dans le sulfureux L’Amant de Lady Chatterley.

Frieda d’Annabel Abbs aux Éditions Hervé Chopin prend la forme d’une biographie. Ce livre donne la parole à plusieurs personnages, chacun nous livre sa vision de l’histoire : Frieda bien sûr qui est le personnage principal, Monty son fils, Ernest son mari….

Tout commence dans une sorte de flash-back. Le mal a déjà été fait, nous apprenons qu’elle est considérée comme une paria. Frieda fait remonter l’origine de tout cela à une journée bien précise. S’ensuit une sorte de raccord qui nous transporte le jour où tout a basculé.

La véritable histoire de Lady Chatterley nous fait suivre la vie de cette femme hors norme à partir du jour où tout à basculer. L’alternance des points de vue permet de rendre la lecture plus fluide, même si on peut noter quelques longueurs, mais cela reste bien sûr sujet à discussion.

Cette biographie proposée par les Éditions Hervé Chopin se déroule sur plusieurs années. Nous faisons dans un premier temps connaissance avec Frieda, à l’époque où elle vivait encore en Angleterre avec sa famille.

Le début de la remise en question, la graine du doute commence avec la visite tant attendu de la sœur de Frieda « Tante Nush ». Cette dernière riche est dégoûtée, écoeurée par la pauvreté de Frieda et l‘aspect désœuvré de son logement « Oh pauvre petite chérie », « Tu n’aurais jamais dû te marier, si bas en dessous de notre condition ». A cet instant Frieda perd ses illusions et se rend compte de son aspect négligé ainsi que de celui des lieux.

On peut voir la rivalité entre sœurs s’instaurer. Nush lui parle du vent de libertinage qui a lieu à Munich et qui y est toléré. Lentement, insidieusement, la sœur de Frieda diffuse son poison dans son esprit « Toutes les femmes. Les plus modernes de Berlin et de Munich ont des liaisons ». Elle multiplie les paroles blessantes « je sais que nous sommes baronnes, mais nous devons être séduisante sinon nous ne sommes rien du tout. Et je n’ai pas l’intention d’être rien », « oh, mais ce n’est pas à moi que je pense. Mais nous les Von Richtofen ne sommes pas faites pour une vie ennuyeuse. Cela ne nous sied simplement pas ».

Nous découvrons que Frieda est une baronne allemande, mais ce titre de noblesse n’est qu’illusoire sa famille est désargentée. Le père à des dettes de jeu, il emprunte à droite à gauche pour donner le change. Elle s’est mariée contre l’avis de tous, un mariage d’amour en dessous de sa condition.

Plus loin dans ce livre des Éditions Hervé Chopin Frieda nous raconte ses douces illusions ayant mené à son mariage avec Ernest. Pour elle, cette union était une promesse d’aventure, l’Angleterre lui semblait limite exotique, la promesse d’un amour passionnel malgré leur écart d’âge. Malheureusement la réalité se révélera tout autre. Sa famille se moque de « l’évidente virginité d’Ernest était devenu un sujet de plaisanterie familiale. La pauvreté de ses parents un déshonneur, son manque de classe un crime ».  Frieda se défend faiblement « mais ma vie n’est pas si ennuyeuse ».

Les propos de Nush font mouche. Le mal est fait au fond d’elle une petite voix s’est immiscée et fait échos aux propos des plus désobligeants de sa sœur, déstabilisant « ennuyeuse, ennuyeuse, ennuyeuse, rien ».  

Au fil de notre lecture de Frieda des Éditions Hervé Chopin, nous découvrons que Nush a toujours été jalouse de sa sœur. Ainsi durant leurs enfances du fait de sa relation privilégiée avec leur père. Frieda était un garçon manqué, était aventureuse, courageuse.

Nush la manipule afin que Frieda aille à Munich qui est selon elle synonyme de liberté. Cela tout en restant blessante « revient nous avant qu’il ne soit trop tard ». Elle continue son travail de sape. Dégoûtée, Nush veut repartir très vite car « oui, oui mon amant me réclame (…) nous supportons difficilement d’être séparé en ce moment. » Pose surjouée de sa sœur.

Frieda finit par comprendre la vraie raison de sa visite, ce n’est pas pour rencontrer sa famille, mais pour fanfaronner à propos de son amant, de sa vie. S’en suit des détails parfois des plus croustillants sur sa liaison, cela afin de se mettre en avant « il est passionné, si amoureux de moi. Je suis sûre que tout Berlin a entendu nos cris de plaisir (baisant la voix). Il aime que je sois dessus ». Nush veut lui montrer sa supériorité et faire prendre conscience à Frieda son déclin.

Cette dernière finit par réfléchir et par voir sa vie de femme mariée à travers les yeux de sa sœur tout lui semble en comparaison bien terne. Frieda fait chambre à part avec son époux. Nush  semble vouloir dévoyer sa sœur en lui faisant entre autres l’apogée de l’amour libre et de Munich qui en est le foyer . Frieda commence doucement à s’échauffer, à s’intéresser au sujet. Nush poursuit en lui demandant si cela ne la tente pas un peu « Ernest étant un tel peignoir ».

Elles en viennent à parler de leur autre sœur, Elisabeth connue pour être plus sage, plus terre-à-terre. Celle-ci se révèle aussi libertine que Nush, Frieda commence part être tenté entre autres par le faste des toilettes de sa sœur.

Frieda dans ce livre d’Annabel Abbs nous semble fragile, limite influençable. Frieda finit par convenir qu’elle mène une vie trop tranquille. Les paroles de Nush la hantent « ennuyeuse », « rien », « avant qu’il ne soit trop tard ». Le mal est fait, le ver est dans le fruit. Le soir même, Frieda se met à rêver d’un avenir plein de faste, loin de sa vie terne.

Dans ce livre des Éditions Hervé Chopin comme nous avons précédemment pu le voir, nous voyons l’histoire à travers les yeux de plusieurs personnages. Les parties les plus émouvantes à mon sens sont celles vue du point de vue des enfants dont Monty. On ne peut être qu’ému par eux et les épreuves qu’ils doivent surmonter. Monty nous apparaît par instant déstabilisé.

Au début de cette biographie, il est maltraité à l’école du fait de ses racines allemandes, tout comme sa mère pour qui ses origines vont être une source de rejet. Quand le doute commence à s’installer, Frieda se confie à la personne la plus proche d’elle : son fils qui ne comprend rien ou tout au moins tout de travers.

Frieda d’Annabels Abbs nous donne aussi le point de vue d’Ernest au premier abord il nous apparait austère semblant limite puritain. Véritable bonnet de nuit, Ernest est peu porté sur la bagatelle et cela même lors de leur nuit de noces « elle avait fait preuve de si peu de pudeur ou de retenu qu’il avait été contraint de détourner le regard et de feindre de dormir ». Ernest nous apparaît au fur et à mesure de notre lecture comme quelqu’un de bien qui essaye de faire de son mieux, mais qui ne sait pas exprimer ce qu’il ressent.

Après la visite de Nush, Ernest se rend compte que sa femme qui est d’habitude une force de la nature, c’est terni, a perdu de sa vitalité. Il décide de redoubler d’efforts pour lui offrir de belle toilette, une meilleure habitation.

Ernest semble malgré tout avoir bien cerné sa belle-sœur qui le ou les « méprises, mélange de malveillance incitative, supériorité aguicheuse ». « Il y avait selon lui quelques choses d’immoral en elle ». Cependant comme le dit si bien l’expression l’amour rend aveugle, comme nous pourrons le voir durant notre lecture de La véritable histoire de Lady Chatterley aux Éditions Hervé Chopin. Pour Ernest, Frieda a hérité de « la fibre morale de sa mère et non du relâchement indécent de son père et de sa sœur ».   Ernest décide d’acheter un billet pour Munich à Frieda afin qu’elle retrouve sa joie de vivre. C’est ce choix, son désir de faire plaisir à son épouse qui va causer leur perte.

Frieda s’est laissé influencer par Nush et par ses histoires laissant entendre que ses sœurs, qui avant avaient moins de courage qu’elle, menaient une vie sans entrave et pleine de joie, une vie où elles étaient aimées avec la passion dont Frieda avait toujours rêvé. Frieda ressent le besoin de connaître la même liberté que ses sœurs « Elle avait l’impression d’avoir une vie trop vide, de passer à côté de la vraie vie que ses sœurs prétendaient mener ».

Le poison de Nush fait bien effet elle repense à ses propos « reviens nous avant qu’il ne soit trop tard ». Frieda veut aller à Munich pour vérifier la véracité de dire de Nush qu’elle avait peut-être exagéré « peut-être la punissait-elle pour s’être marier tellement en dessous de leur condition ».

La vie de Frieda change suite à plusieurs rencontres qui la mèneront au choix scandaleux d’abandonner sa famille par amour, pour son besoin de liberté. Celle promise par ses sœurs et incarnée par la ville de Munich sorte d’El Dorado qui s’oppose à sa vie bien réglée dans une ville où Frieda reste encore une étrangère.

Une fois à Munich l’effervescence, la nouveauté lui font tourner la tête. Etape par étape, elle va déployer ses ailes, se laisser influencer. On peut être tenté de se demander si au début cela ne dénote pas une part de fragilité.

Frieda semble facilement influençable au début par Nush, puis par Otto l’amant d’Elisabeth sa deuxième sœur. Le regard de ce dernier dans un premier temps l’excite et la trouble. Il sera le vrai déclencheur de son geste impardonnable avec sa promesse utopique d’une sorte de communauté où ils vivraient tous en harmonie avec les enfants de Frieda. Sorte de gourou prônant l’amour libre à la fois doux rêveur et doux dingue.

Dans ce livre d’Annabel Abbs aux Éditions Hervé Chopin, nous découvrons le personnage de Frieda en plein tourment, en pleine remise en question. Fragile elle va apprendre à s’affirmer, à revendiquer sa personnalité, ses choix pas forcément dans l’intérêt de tous.

C’est sa rencontre avec l’écrivain DH Lawrence qui va être déterminante pour les deux et qui entraînera des dommages collatéraux. On trouve en introduction de chaque partie, des citations de Lawrence qui reflètent le ton de chacune d’entre elle. Il ne faut pas oublier que Frieda fut la maîtresse, mais surtout la muse de DH Lawrence. Ils vont s’engager dans une relation des plus sulfureuses et tumultueuses.

Dans cette biographie parfaitement documentée, nous suivons avec passion ces différents personnages dont certains ne peuvent que nous toucher. Tous se retrouvent impliqués au cœur de la tourmente. On peut noter quelques longueurs dans Frieda, mais ces tranches de vie restent des plus intéressantes.

Un passage de ce livre m’a fait penser à une scène des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Otto prend une plume et fait semblant d’écrire sur les fesses de Frieda cela m’a rappelé un passage où Valmont se sert comme écritoire des fesses d’une femme.

La véritable histoire de Lady Chatterley, nous livre un récit sans filtre qui nous révèle certains aspects peu connus de personnage plus ou moins célèbre. Ces derniers nous apparaissent avec toutes leurs complexités, leurs fragilités.

Faites connaissance avec Frieda Von Richthofen la sulfureuse muse de DH Lawrence grâce à Annabel Abbs.

Frieda, La véritable histoire de Lady Chatterley d’Annabel Abbs. Edition Hervé Chopin. Prix 21 €

Pour plus d’info: http://www.hc-editions.com/

Rédactrice freelance, Pigiste

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