Culture

Faites connaissance avec le troublant Hazel Motes dans Le Malin de John Huston

Affiche Le Malin de John Huston. Distribué par: Carlotta Films
Le Malin de John Huston. Distribué par: Carlotta Films

Revenu de la guerre Hazel Motes à la mauvaise surprise de trouver sa maison en ruine. Il décide de suivre le mouvement et de se rendre en ville dans le but d’y faire des choses qu’il n’a jamais faites. Hanté par ses souvenirs et confronté à l’imposture et à la foi pervertie des gens qu’il croise sur sa route, Hazel décide de fonder un nouveau culte : L’Eglise de la vérité sans Christ

Déstabilisant. Émouvant. Captivant. Voici les termes qui caractérisent le mieux Le Malin de John Huston. Le réalisateur adapte le roman de Flannery O’connor La sagesse dans le sang dont le titre original du film s’inspire Wise Blood.

Carlotta Films vous donne la possibilité de découvrir voire redécouvrir cette œuvre au cinéma dans une version restaurée disponible en salle dès le 7 octobre. Dans Le Malin John Huston nous dresse un portrait cinglant de l’Amérique profonde dont la culture est essentiellement fondée sur la religion. Cela transparaît dès le début du film qui s’ouvre sur des images en noir et blanc. On peut ainsi voir un plan large sur une route avec un panneau sur lequel est écrit « If you repent, God (…) Forgiveness for you in Jesus Saviour ».

L’image suivante nous montre un panneau indicateur indiquant une église baptiste. Puis, d’autres plans montrent ce qui ressemble à un dépôt de pneus, suivi par un magasin de souvenirs où des coussins avec des broderies de chiens et chats côtoient une tapisserie où est représentée la Cène…. Les premiers plans du Malin de John Huston soulignent l’importance, la grande place tenue par la religion à la fois dans cette Amérique profonde, mais aussi dans ce film.

D’un seul coup l’image est en couleur. Nous apercevons un militaire en uniforme qui fait du stop à la croisée des chemins. Nous venons de faire connaissance avec le personnage principal Hazel Motes. Il est joué par le très talentueux Brad Dourif, dont l’étendue du talent nous apparaît clairement dans Le Malin.

Hazel revient de la guerre et retrouve les lieux qu’il avait quitté. Hazel nous donne l’impression d’être déstabilisé, perdu. Cela semble plus ou moins le cas tout au long du Malin distribué par Carlotta Films. Il ne reconnaît pas cette route, « il n’y avait qu’un chemin ». Hazel est déstabilisé ou plutôt déboussolé par le modernisme. Son chauffeur lui explique que la route existe depuis un an et que cela a suffi pour que tout le monde parte : « Il ne reste plus personne a Eastbood et Metsy. Ils sont partis en ville ».

Son étonnement est total quand arrivé à destination Hazel retrouve sa maison dans un état de délabrement et d’abandon des plus avancés. Une musique assez joyeuse se fait entendre et semble en total décalage avec l’image. Hazel arrache un bout de papier-peint et écrit un mot avant de le poser sur le seul meuble restant « ce chiffonnier appartient à Hazel Motes. Si vous le volez, vous serez chassé et tué ». Comme l’on pourra souvent le constater dans Le Malin Hazel est empli d’une sourde colère, donnant l’idée de violence latente. Hazel s’éloigne de la bâtisse et se rend dans le cimetière familial. Son attention se concentre sur une tombe en particulier celle de son grand-père.

Dans Le Malin distribué par Carlotta Films, les flashbacks et autres souvenirs sont teintés d’une couleur rosée. Dans celui-ci, l’on peut apercevoir un prédicateur sur scène. Il prêche devant un public. De part et d’autre de cet homme se trouvent deux enfants un garçon et une fille. Nous revenons au présent Hazel fixe son attention sur la pierre tombale de feu son grand-père.

John Huston dans ce film distribué par Carlotta Films, nous dresse sans filtre le portrait de personnes délaissées par la société, brisées qui gravitent autour d’Hazel et dont il fait lui-même partie. Les images sont souvent d’un réalisme cru et nous montrent des êtres complexes ayant tous une faille.

Les flashbacks seront de nouveaux de retour un peu plus loin dans Le Malin. Hazel semble hanté par ses souvenirs et plus particulièrement par la figure du prédicateur : son grand-père, mais nous auront l’occasion d’en reparler. Il est intéressant de noter que cet homme qui hante les souvenirs d’Hazel est interprété par John Huston lui-même.

Hazel Motes (Brad Dourif) dans Le Malin de John Huston
Hazel Motes (Brad Dourif) dans Le Malin de John Huston. Distribué par: Carlotta Films

Nous retrouvons ensuite Hazel avec de nouveaux habits. Il jette son uniforme à la poubelle et semble plus que surexcité. Quand le vendeur l’interroge ce qu’il compte faire, Hazel lui répond « faire des choses que je n’ai jamais faites ». L’employé finit lui demander « s’il a été blessé à la guerre » Hazel s’empresse de dire « oui mais je ne veux pas qu’on sache où j’ai été blessé ». Son attitude tout au long du Malin de John Huston, nous amène à nous demander si la blessure où le mal dont il souffre n’est pas psychologique.

Le Malin est filmé avec brio. On entend le son du train alors que nous sommes encore dans le magasin avant de le voir à l’écran. Nous retrouvons Hazel élégamment vêtu d’un costume et d’un chapeau noir assez austère. La femme assise devant lui remarque avec amusement à son poignet l’étiquette de son nouveau costume. Il entame la conversation et déclare à nouveau vouloir aller en ville pour faire des choses qu’il n’a jamais faites. On peut le voir soi comme un jeune homme ambitieux voire rêveur qui pense trouver la rédemption, l’Eldorado ou tout au moins une chance en ville.

La femme se confie. Elle lui parle de ses neveux qui les appellent respectivement son mari et elle « papa poupée et maman poupée ». Le regard d’Hazel se durcit. Il rapproche son visage d’elle. Souvent dans Le Malin de John Huston, nous assistons à une succession de plans comme ici centré sur le visage d’Hazel ou ses yeux puis sur son interlocuteur. Les plans rappellent la façon de filmer les duels dans les westerns. Ils donnent l’impression qu’Hazel est toujours dans l’affrontement. Il lui dit « vous devez croire que vous avez été racheté » Hazel la juge. Le prédicateur qui hante ses souvenirs semble vraiment l’avoir marqué, lui-même semble prêcher de façon inconsciente. La femme est mal à l’aise.

Dans Le Malin distribué par Carlotta Films, le personnage d’Hazel Motes est des plus complexes il semble parfois un brin naïf. Ainsi, Hazel note un numéro qu’il a trouvé dans les toilettes des hommes où est indiqué le nom d’une femme au « lit des plus accueillant ». Nous avons tout de suite compris le sous-entendu alors que lui c’est le cas de le dire débarque. Une fois dans le taxi le chauffeur lui demande s’il la connaît et ajoute « d’ordinaire elle ne fréquente pas les pasteurs ».

On assiste de nouveau à une alternance de plans entre Hazel et le chauffeur de taxi dont on voit les yeux dans le rétroviseur. Hazel s’écrit qu’il n’est pas pasteur. Le chauffeur insiste sur le fait que sa tenue associée à son attitude et son maintien font penser à ceux d’un pasteur. Hazel sur la défensive déclare « Je ne crois en rien ». On ne sait s’il tente de se convaincre ou s’il s’adresse réellement au chauffeur.

Cela rejoint la citation suivante de John Huston concernant Le Malin « c’est le drame d’un jeune homme qui fait une tentative de rébellion »et c’est bien de cela qu’il s’agit. Hazel rejette à corps et à cris l’éducation des plus strictes qu’il a reçu et qui hante à la fois ses souvenirs, mais aussi sa façon d’être et de se comporter. Hazel semble constamment en rébellion, dans l’affrontement.

Le chauffeur de taxi persiste et conclu c’est « ça le problème avec les pasteurs, vous êtes si malin que vous ne croyez en rien ». Une fois arrivée à destination Hazel observe à la fenêtre de la maison. On voit une personne se couper les ongles des pieds. A l’intérieur Hazel voit à sa plus grande surprise une femme bien en chair assez vulgaire en négligé qui continue tranquillement de se couper ses ongles de pieds. On assiste de nouveau à une alternance de plans entre les deux protagonistes. Hazel continu à affirmer ne pas être pasteur. La femme lui répond vulgairement que « peu importe du moment qu’il a ses 4 dollars ».

Sabbath Lilith (Amy Wright) et Asa Hawks ( Harry Dean Stanton) dans Le Malin de John Huston
Sabbath Lilith (Amy Wright) et Asa Hawks ( Harry Dean Stanton) dans Le Malin de John Huston. Distribué par: Carlotta Films

Hazel une fois en ville, fait l’amère découverte du modernisme. Il se joint à un groupe qui écoute un bonimenteur vendre le dernier cri des outils ménager un épluche-légumes à la pointe de la technologie. Le regard d’Hazel est captivé par l’arrivée d’un homme aveugle vêtu de noir et de sa fille. Il se présente comme un pasteur sans travail et demande un dollar sinon il va prêcher.

Tous deux sont des escrocs et comme Hazel sont des êtres délaissés par ce modernisme, des marginaux. La jeune fille donne à Hazel un tract. Ce dernier la fixe des yeux. Nous assistons encore à une alternance de plans, la jeune fille finie par lui dire « je vous ai vue ». Hazel déchire et jette le papier à terre, il semble rejeter tout ce que ces deux êtres représentent. Ils s’affrontent tous deux du regard. Le père apostrophe sa fille. Cette dernière tente d’acheter un épluche-légumes, mais n’a pas assez.

Hazel en achète un et commence à les suivre. Il est lui-même suivi par un jeune homme Enoch. Personnage des plus attachants et des plus émouvants que l’on croisera souvent dans ce film. Enoch est un peu simple d’esprit, naïf. Il fait observer à regret et cela à plusieurs reprises que cette ville n’est pas accueillante, qu’il y a trop de monde. Enoch semble perdu tout comme Hazel, le pasteur et sa fille dans l’immensité de cette ville moderne qui semble les avoir relégués au rang de parias. Enoch est seul, il explique que cela fait presque deux mois qu’il est là et qu’il ne connaît personne. Enoch décide donc de faire un bout de chemin avec Hazel en qui il reconnaît un compagnon d’infortune comme lui perdu dans la foule d’anonymes. Enoch parle sans discontinuer tandis qu’Hazel reste de marbre et reste fixé sur son objectif.

Le face-à-face tant attendu a lieu. Hazel s’adresse au pêcheur et lui affirme « Je ne vous suis pas je la suis elle » pourtant son attitude limite agressive indique plutôt le contraire. Enoch suit attentivement la scène. Toujours dans l’affrontement Hazel s’exclame « je suis venue lui dire que je n’y peux rien si elle m’a fait de l’œil ». On assiste comme toujours à une alternance de plans.

Mais le père n’est pas dupe et dit avec brusquerie « c’est moi qu’il a suivi, personne ne te suivrait »et poursuit « j’entends l’appel de Jésus dans sa voix ». À ces mots Hazel crache au sol et répète avec dédain « Jésus ». Sous le regard interloqué d’Enoch, Hazel continue « J’ai fait un long chemin depuis que je croyais quelque chose. J’ai fait le tour du monde ». Hazel se laisse emporter comme souvent dans Le Malin distribué par Carlotta Films.

Il cherche la confrontation, on pourrait être tenté de voir dans son attitude une projection de cette figure parentale qui le poursuit dans ses rêves et contre laquelle Hazel se rebelle violemment. Le pasteur fin analyste n’est pas dupe et s’exclame « un pasteur a laissé sa marque sur vous ». D’une façon théâtre Hawks, le pasteur, enlève le chapeau d’Hazel et appose sa main sur sa tête « Voulez-vous que je l’enlève et en mette une autre ? ». Hazel a un mouvement de recul. Hawks donne à sa fille et à Enoch des tracts à distribuer. Il désire rester avec celui qui l’a suivi.

Nous assistons ensuite dans Le Malin de John Huston à un échange virulent de paroles entre les deux hommes « repentez-vous et allez distribuer ces tracts ». Hazel s’emporte « je suis aussi propre que vous … je ne crois pas aux pêchés. Tout ce qui compte c’est que Jésus n’existe pas ». Hazel se rebelle et rompt totalement avec ce passé qui le hante et qui l’a marqué tant dans sa chair que dans son âme.

Hazel apostrophe les gens qui sortent de l’immeuble. Agité, il semble illuminé limite dément et oriente sa colère vers Hawks : le Faux prophète. « Regardez cet homme, il distribue des tracts et mendie. Vous devriez le voir avec son horrible fille ». A ces mots Enoch lui lance un regard interloqué tandis que la fille continue à distribuer ses tracts. Hazel apostrophe la foule et reporte son ressentiment, sa colère contre Hawks « il y a un imbécile qui donne des tracts ». Hazel se donne en spectacle, ce qui désert ses propos trop virulents tandis qu’Hawks reste de marbre et continue à mendier tout en disant « ne faites pas attention à ce fanatique ».

Hazel Motes (Brad Dourif) dans Le Malin de John Huston.
Hazel Motes (Brad Dourif) dans Le Malin de John Huston. Distribué par: Carlotta Films

Hazel malgré ses dénégations finit par ressembler tant par son altitude que par sa tenue à un pasteur voire un prédicateur. Paradoxalement ses propos sont diffamatoires parfois limites blasphématoires. Il semble chercher à faire réagir les gens « Jésus a bien été crucifié, mais je dis que ce n’était pas pour vous. Je vais fonder une nouvelle église : L’Eglise de la vérité sans Jésus-Christ et cela ne vous coûtera rien ». Hazel se rebelle face à ce que plus jeune on lui a appris, endoctriné.

Comme souvent dans Le Malin distribué par Carlotta Films, Hazel tente de rivaliser avec le pasteur et de faire entendre ses idées. C’est la première fois qu’il fait mention du nouveau culte qu’Hazel va créer, selon lui « le péché je ne connais pas ». Hazel tient des propos racistes et cela à de multiples reprises Hazel semble peu instruit, mais la vocation de pasteur, de prêcheur est bien ancrée en lui. On ne peut renier sa vraie nature.

Dans Le Malin distribué par Carlotta Films, on peut voir une opposition entre l’attitude et la tenue vestimentaire très strictes d’Hazel et celles d’Enoch. Ce dernier porte une tenue assez débraillée avec sa veste beige, sa chemise violette et sa cravate verte Enoch ne passe pas inaperçu, Mais malheureusement tout le problème est là. Enoch est seul, il est perdu dans l’immensité de cette ville et s’accroche au pas d’Hazel : « Je n’ai que 18 ans », « mon père m’a fait venir », « je n’ai personne », « personne ne veut de moi », « les gens ne sont pas accueillant ».

Enoch tente d’attirer l’attention d’Hazel. Enoch lui dit qu’il voit des signes et qu’il possède « la sagesse du sang » à savoir le Wise Blood dont il est question dans titre original. Pour Enoch, c’est un don. Hazel le regarde avec attention avant de le rejeter sans ménagement « vous êtes fou. Allez-vous-en et ne revenez pas. Je sais où je vais ». Avant d’ajouter « j’ai une femme, je vais la voir », car Hazel vie si l’on peut dire dans le péché.

Il rentre chez lui. A la faveur de la pénombre, nous apercevons un homme en train de se rhabiller. Un client de sa soi-disant « femme ». Elle sort des toilettes et récupère la bouteille d’alcool que le client tentait de voler. La femme est toujours en négligé. Une fois le client parti, Hazel se rapproche. Elle éteint la lumière dans l’obscurité Hazel dénoue sa cravate. Puis, nous voyons Hazel dans le lit à côté de la femme. Il est en train de rêver ou plutôt est hanté par ses souvenirs ou peut-être est-ce sa conscience qui se manifeste à lui dans son inconscient.

De nouveau comme nous avons déjà pu le voir précédemment dans Le Malin, l’image prend une nuance rosée. Nous nous trouvons sous un chapiteau au centre de la pièce, on peut voir une boite avec des poignées qui ressemble à un cercueil. On entend une voix-off dire « pars ici ». A ces mots, des gens plus précisément des hommes se dirigent vers le fond du chapiteau. La voix-off reprend « spectacle exclusif, 15 personnes à la fois ».

Nous entendons une musique enfantine, puis on voit un garçon se glisser sous le chapiteau. On devine qu’il s’agit du même qu’avant : c’est Hazel enfant. En voix-off, on entend « venez voir le péché pour seulement 5 cents ». L’enfant curieux veut voir ce qu’il y a dans le cercueil. Il grimpe le long d’un poteau et jette un coup d’œil dedans. On peut voir étendue dans cette caisse aux tentures rouges, une femme dévêtue dans un style burlesque qui frétille, remue. Elle lui sourit, s’amuse à l’aguicher.

Le sommeil d’Hazel est agité. Suis un autre souvenir, dans un plan on voit des mains mettre des cailloux dans des chaussures. Les prêches de son grand-père hantent même ses souvenirs et ses rêves. On entend un prédicateur parler de péchés. Le petit garçon remet ses chaussures et marche en larme. Cette punition sévère sert à expier ses péchés. Sa conscience semble rappeler Hazel à l’ordre. Une fois réveillé, il ramasse ses affaires et part.

Le Malin de John Huston se poursuit par une scène amusante. Hazel se rend dans une casse voire garage où il veut acheter une voiture. Nerveux, colérique, il donne un coup sur un capot qui se redresse dans un grand fracas. La scène est observée par un enfant qui l’apostrophe « on ne se promène pas ici, je vais vous montrer ». Hazel lui répond « Je veux voir Slate ». Il s’agit du nom marqué sur l’enseigne.

L’image se centre sur le petit dont le visage et les habits sont sales comme s’il travaillait au garage. Renfrogné, il demande à Hazel ce qu’il lui veut. L’enfant à l’air de prendre son rôle très au sérieux quand Hazel lui dit qu’il veut acheter une voiture le petit se fait passer pour Slate. On voit en arrière-plan pour notre plus grand amusement, un homme sortir de sous une voiture et s’approcher d’eux. Il attrape le petit sans ménagement et le jette un peu plus loin.

Souvent dans Le Malin distribué par Carlotta Films, Hazel nous apparaît comme quelqu’un de naïf voire d’instable qui semble cacher une blessure profonde. Quand il a une idée il n’en démord pas. Hazel déclare au vendeur « Je veux cette voiture pour me servir de maison ». Hazel achète une épave qui n’a pas de clef de contact et s’allume directe avec les fils. Hazel conduit sans pour autant donner l’impression de maîtriser son véhicule ou de vraiment savoir conduire. On peut se demander s’il a son permis. II roule à vive allure et tente de quitter la ville.

Dans Le Malin de John Huston, Hazel a parfois un côté enfantin, colérique quand sa voiture refuse de démarrer il pique une crise de nerf. Cela sera le cas à chaque fois. Étrangement sa voiture s’est stoppée à hauteur d’un panneau proclamant « malheur aux blasphémateurs et aux débauchés ». De nouveaux la voix du prédicateur qui le tourmente se fait entendre tandis qu’Hazel fixe le panneau.

Un nouveau souvenir nous est présenté. L’image se teinte de rose. On voit le prédicateur de plus près. Nous déduisons quand il tend le doigt vers nous qu’il s’agit d’une caméra subjective. Il apostrophe la foule « même pour cet enfant ». Plan sur le garçon qui se fait pipi dessus « cet enfant a été châtié et il sera racheté ». Le traumatisme d’Hazel nous apparaît enfin pleinement.

Halluciné encore hanté par ses souvenirs, Hazel blasphème quand un homme lui demande de bouger sa voiture. Comme cela sera souvent le cas dans ce film de John Huston, il semble délirer : « Le péché est venu avant », « Je n’ai rien à fuir parce que je ne crois en rien ». On a l’impression qu’Hazel tente de s’en convaincre.

Hazel sur un coup de tête décide de retourner en ville pour retrouver Enoch au zoo. Lieu où ce dernier travaille. Nous découvrons qu’il a créé un énorme embouteillage. Une fois cette décision prise comme par hasard la voiture remarche.

Au plan suivant, on peut apercevoir des singes derrière une vitre. Ils font face à Enoch qui se moque d’eux fait des grimaces. Dans Le Malin distribué par Carlotta Films, il nous apparaît toujours sous un aspect assez enfantin, limite un peu simple d’esprit, mais surtout esseulé.

Hazel le rejoint très agité, inquiet. Il requiert l’aide d’Enoch « Je cherche le prédicateur aveugle Hawks». Hazel est obsédé par lui. Enoch s’éparpille. Il avait précédemment dit à Hazel qu’il savait où le prédicateur et sa fille logeaient. Avant tout, Enoch veut montrer quelque chose à Hazel. Ce dernier lui dit que ça ne l’intéresse pas, puis finit par le suivre.

On entend une musique amusante, enfantine donnant l’idée qu’Enoch prépare un mauvais coup. Il passe devant le gardien du musée qui dort en tentant de ne pas le réveiller car « ce n’est pas son ami ». Enoch lui fait voir le but de leur visite un corps réduit, momifié. Ce dernier va devenir pour Enoch le nouveau Jésus dont parle Hazel dans ses prêches.

Dans Le Malin de John Huston, nous suivons avec passion le portrait d’êtres marginaux, esseulés qui semblent pour certaines plus particulièrement Enoch en manque d’amour, d’attention. Il est tout à la fois enfantin, perdu mais surtout attachant. Enoch tente tant bien que mal d’aider Hazel, de s’en faire un ami. Il ne veut plus être seul, perdu dans l’immensité de ce monde moderne et égoïste. Enoch essaye de l’aider à trouver la maison du prédicateur et de sa fille.

Exaspéré Hazel comme souvent cède à la colère et jette violemment à terre Enoch, car il croit que ce dernier lui a menti, mais Enoch c’était juste trompé de maison. Hazel voit au loin l’homme et sa fille pénétrer dans une maison. L’obsession d’Hazel ne cesse d’augmenter voire se muer en rage. Il décide de s’installer dans la même maison qu’eux et se présente à la propriétaire comme étant un pasteur ayant son propre culte « l’Eglise de la vérité sans Jésus-Christ ». Il en profite pour vérifier qu’Hawks et sa fille habite bien dans ce logement.

Enoch (Dan Shor) et Hazel Motes (Brad Dourif) dans  Le Malin de John Huston.
Enoch (Dan Shor) et Hazel Motes (Brad Dourif) dans Le Malin de John Huston. Distribué par: Carlotta Films

Le film enchaîne sur un plan du pasteur allongé sur son lit. On frappe à la porte, la fille va ouvrir « c’est le garçon qui nous suit ». Limite halluciné, Hazel les informe qu’il habite dans la même maison « Je me suis dit que si votre fille me fait de l’œil, je pourrais bien lui rendre l’appareil ». Etonnamment la fille semble plus intéressée qu’inquiète « tu aurais dû le voir, il me regardait de la tête au pied »

Hazel insiste « j’ai fondé ma propre église, je vais prêcher dans la rue ». Il semble attendre une réaction de la part du pasteur sur lequel on dirait qu’Hazel projette ses rancunes. L’homme se rapproche de la porte « laissez-moi tranquille, je ne vous ai pas demandé de me suivre partout ». Puis il claque la porte ou nez d’Hazel, entrainant son courroux. Hazel l’ouvre violemment et fait irruption chez eux « quelle espèce de pasteur êtes-vous donc pour ne pas sauver mon âme » dit-il avant de partir en claquant la porte. Le pasteur s’exclame « sacré obsédé de Jésus ».

Le Malin de John Huston distribué par Carlotta Films, nous dresse le portrait de personnages en marge de la société, du monde moderne. Il se focalise principalement sur le personnage de Hazel Motes. Ainsi l’affiche de ce film, le met en scène et se concentre sur son visage grimaçant quand il s’adresse de façon virulente à son auditoire.

Hazel est un personnage complexe, ambiguë en révolte totale contre le monde qui l’entoure, leur rapport à la religion, mais aussi contre son passé lié à l’univers des prédicateurs. Parfois un peu perdu, colérique comme un enfant, la tension qu’il porte en lui ne cesse d’augmenter. Hazel est toujours dans l’affrontement surtout en regard du faux pasteur aveugle et de sa fille. Il semble persécuter cet homme sur lequel Hazel projette sa colère. Hazel qui niait avec emphase être en pasteur, finit par prêcher dans les rues sa propre parole et sa propre foi en opposition totale avec son éducation.

Ce film distribué par Carlotta Films s’intéresse à d’autres personnages tout aussi délaissés par la société qu’Hazel dont Enoch. Pauvre jeune homme solitaire en mal d’affection qui suit Hazel pour rompre sa solitude. Il est souvent associé à une musique dissonante, enfantine s’accordant à merveille avec son caractère. On ressent facilement de l’empathie et de l’affection pour cet être simple bousculé par la vie et brusqué par Hazel qui le traite sans ménagement d’imbécile, d’idiot et de fou tout en le rabaissant devant la foule. Mais Enoch est son seul et réel disciple. Il lui reste fidèle et veut lui trouver son nouveau Jésus.

Dans Le Malin de John Huston nous dresse aussi le portrait toujours sans filtre du pasteur et de sa fille qui sont plus qu’ambiguës. Ceux sont des escrocs. Lilith est plus qu’intéressée par Hazel et décide de le faire tomber dans ses filets. Au fur et à mesure du film, on se rend compte que même s’il commet des erreurs c’est bien Enoch qui comme il l’a si bien dit à la « sagesse du sang » et est peut-être le plus pur.

Tout au long du Malin distribué par Carlotta Films, on suit avec passion l’intrigue et l’évolution du personnage d’Hazel être brisé qui est confronté à ses émotions et ses souvenirs. Il ne semble pas pouvoir trouver le repos, son âme est tourmentée. Bien malgré lui Hazel semble semer le mal, le trouble autour de lui. Il nous apparaît parfois incohérent à la limite de la folie, mais aussi crédule sorte de grand enfant qui se rebelle. Toutes ses oppositions qui le composent en font et cela bien malgré nous un personnage attachant hanté par ses démons. Il va devenir un prédicateur enragé poussé à bout par les faux prophètes.

A noter l’époustouflante prestation des acteurs dont plus particulièrement celle de Brad Dourif qui incarne avec brio dans toute sa complexité Hazel Motes le personnage principal de ce film. J’ai toujours apprécié, cet acteur de grand talent que j’avais découvert dans l’époustouflant Vol au-dessus d’un nid de coucou et dont les capacités sont selon moi peu exploité. Le Malin repose en grande partie sur son personnage.

Laissez-vous émouvoir par les portraits de personnages délaissés par la société dans Le Malin de John Huston.

Le Malin de John Huston 1979. Carlotta Films avec Brad Dourif, Henry Dean Stanton, Ned Beatty. Durée : 105min. En salle en version restaurée : Le 7 octobre

Pour plus d’informations  https://carlottafilms.com/cinema/

Rédactrice freelance, Pigiste

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