Culture

Plongez dans un thriller psychologique hors norme à la fois cruel et intense avec Anna

Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles
Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles

Oscar sûr de lui, dominateur se voit comme un mâle alpha. Il aime à s’entourer d’une cour de courtisans, suiveurs tenant plus de souffre-douleurs qui assoient sa position. Avec sa bande de suiveurs Oscar prépare une exposition choc des plus subversive qui devrai imposer son talent. Manipulateur sans cœur.

Oscar a eu une aventure avec Anna sa douce voisine dont il a usé et abusé avant de la jeter sans ménagement. Oscar pensait avoir mis fin à leur histoire, mais malheureusement pour lui Anna en a décidé autrement. Leur histoire ne fait que commencer et elle en reprendra les rênes

Cruel. Cru. Captivant. Dérangeant. Voici les termes qui caractérisent le mieux Anna. Stéphane Betbeder signe un scénario des plus captivant écrit au vitriol. Christophe Bec qu’en t’a lui s’occupe des illustrations. Il emploie un style proche du clair-obscur qui rappelle la photographie. Les images et une partie de l’intrigue rappellent les films noirs. Nous retrouvons dans Anna proposée par la Boîte à Bulles une incarnation de la femme fatale.

On retrouvera des références au genre tout au long de cette BD dont nous devons le scénario à Stéphane Betbeder. Ainsi le prologue d’Anna donne le ton « Blonde Fatale « . Nous y voyons une femme qui se décolore les cheveux, fait une coloration pour devenir blonde. La référence au film noir est des plus flagrante dans le prologue de cette BD proposée par la Boîte à Bulles. Une fois la couleur faite la femme qui se révélera être Anna s’exclame « voilà blonde comme Kim Novak, il va aimer ». Cette actrice s’est illustrée dans de nombreux films dont Sueurs froides dont le titre anglais est Vertigo.

Film noir par excellence du talentueux Alfred Hitchcock qui joue sur la figure du double et de la femme fatale. La blonde y est vue comme l’incarnation si l’on peut dire du bien et la brune du mal. Comme vous pourrez vous en rendre compte durant votre lecture d’Anna cette notion est inverser.

Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles
Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles

Dans un premier temps, nous suivons la préparation d’une jeune femme qui s’est métamorphosée pour correspondre à l’idéal de l’homme aimé. Une voix-off introduit l’histoire de cette BD proposée par la Boîte à Bulles tandis qu’Anna continue à se préparer. « Les choses se déroulent comme vous l’aviez décidé. Vous la séduisez et c’est plutôt agréable. Mais vous vous lassez vite. Vous ne croyez pas au happy-end ».

Car oui dans Anna que l’on doit aux talents combinés de Stéphane Betbeder et Christophe Bec on est loin d’une classique histoire d’amour. Nous sommes dans une histoire de domination de vengeance.

Cette intrigue par certains points m’a fait penser à Audition de Takeshi Miike. Dans ce film un homme sur le conseil d’un ami organise une audition afin de se trouver une nouvelle compagne. Il abuse de la naïveté des jeunes filles. Elles pensaient auditionner pour un rôle. Tout allait bien jusqu’à ce que tout bascule dans l’horreur. On observe avec la dernière candidate, une inversion du rapport de force.

Nous voyons une vue d’ensemble de l’appartement tandis que la voix-off continue la mise en place du sujet. « Avant on croyait connaître les gens surtout ceux qui vivaient sous le même toit/vous la croisez dans les escaliers vous entendez ses pas au-dessus de vous sans même vous en rendre compte. Vous savez tout de ses allées et venues et de son rythme de vie puis vous l’invitez ». On a l’impression d’entendre parler un chasseur ou un prédateur qui traque sa proie.

Tandis qu’inconsciente de ce monologue Anna continue ses préparatifs. Elle finit par se diriger vers les escaliers. « Et même si vous avez largement abusé de sa naïveté vous êtes du genre manipulateur vous n’y pouvez rien. Vous pensez que les tords sont partagés et que de toute façon ça ne pouvait coller. Vous apprenez à l’éviter à reprendre vos petites aventures… ». « Vous êtes certains qu’elle vous oubliera ».

Les vignettes et l’action qui s’y déroule démentent ses propos. Malheureusement pour Oscar c’est l’heure de régler ses comptes. Anna guette l’arrivée de ce dernier. « Oscar pensait connaître Anna mais il se trompait ». Cette phrase laisse présager une suite des plus prometteuse cette BD proposée par la Boîte à Bulles ne va pas vous décevoir. Les illustrations de Christophe Bec ont souvent une qualité des plus photographique, cinématographique. On a l’impression de voir un film se dérouler devant nous. Un film noir, cruel, subversif, mais étonnement addictif.

Après cet aperçu d’Anna qui donne son nom à cette BD proposée par la Boîte à Bulles nous faisons connaissance avec Oscar. Un autre personnage clé de cette œuvre hors norme. Elle ne conviendra peut-être pas à tous tant le sujet est cru, mais les rebondissements sont des plus captivants.

Nous avons accès aux pensées d’Oscar à travers des encadrés. Il nous apparaît comme un homme froid, déplaisant, trop sûr de lui, manipulateur. Oscar se sert de tout le monde pour arriver à ses fins. Pour lui les autres son inférieur. Sans cœur, cruel Oscar nous apparaît tout de suite antipathique et à l’air d’être un parfait connard.

Ses réflexions se tournent vers Anna « la locataire du dessus, je suis sûr qu’elle épie, mais je ne la vois jamais ». Oscar regarde vers le haut « quatre mois qu’elle se cache. Elle a l’air de ruminer sa haine depuis cette histoire de photo (…) psychose ». Car oui cet être exécrable et manipulateur aime humilier les autres. Avec ses suiveurs il monte une exposition de photos subversives tenant du voyeurisme et de la cruauté.

Au cours de notre lecture de cette BD proposée par la Boîte à Bulles nous aurons l’occasion de voir une partie de ces odieux clichés. Malheureusement pour Oscar se fut la victime de trop, mais peut-être ce côté victime n’est qu’une illusion. Comme le dit si bien l’expression « il faut se méfier de l’eau qui dort ».

Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles
Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles

Anna se poursuit par une alternance de plans : Oscar devant sa porte. Tandis que dans l’ombre la jeune femme entame sa descente vers lui. On voit la scène de son point de vue « Il est temps de se mettre en scène. Inspirés ne pas avoir peur sauter ». Anna se jette dans ce vide la caméra ou plutôt l’image se centre sur son visage. Nous avons parfois tendance à oublier qu’il ne s’agit pas d’un film tant les illustrations de Christophe Bec sont réalistes. Hors-champs un cri retenti.

De nouveau, nous passons au point de vue d’Anna « le voilà/faire semblant ferme les yeux ». L’action nous est montrée dans un plan large. Oscar se rapproche d’elle en criant son prénom. Il s’agenouille à côté d’Anna et la porte jusqu’à son appartement « plus de peur que de mal comme d’habitude », « C’est ce qu’il y a d’horripilant avec les suicidaires c’est que plus ils persévèrent plus ils se ratent à croire qu’ils font exprès ».

Oscar ne pense pas si bien dire. Car Anna a tout mis en scène tout calculé. Il continue sur sa lancée sûr de lui antipathique à l’extrême « rien de bien étonnant après tout (…) Anna est totalement givrée et en plus elle m’en veut. Tout ce que j’aime (…) c’est comme ça je ne contrôle pas ». C’est à ce moment précis de cette BD propose par la Boîte à Bulles qu’Oscar va sceller son destin. Sans qu’il s’en rend compte, Oscar vient de commettre sa plus grosse erreur. S’il ne se contrôle pas Anna va s’en charger.

Le brio de Stéphane Betbeder et Christopher Bec est de nous restituer à merveille le changement de rapport de force qui va peu à peu transformer Oscar de dominant en dominé. Cette idée est parfaitement illustrée par la voix off du chapitre deux accompagnée de plusieurs représentations d’œuvres d’art.

Cette partie est intitulée Les suiveurs « un groupe de gens ayant les mêmes idéaux se rassemblent autour d’un meneur charismatique. Chacun y trouve son compte mais l’équilibre est précaire ». Nous faisons connaissance avec une grande partie des autres protagonistes de l’histoire : la cour d’Oscar. Ses suiveurs, ses courtisans qui boivent chacune de ses paroles et veulent grappiller chacune des miettes de son succès. Mais il faut se méfier, comme le dit si bien Audiard « les caves se rebiffent ». Il s’agit plutôt de charognards près à repérer la moindre faille chez leur meneur pour prendre sa place.

Dans cette partie de cette BD proposée par la Boîte à Bulles ils nous sont présentés sans filtre.  Tous ont l’air d’être affreux, sales et méchants cela à différents degrés. La qualité des illustrations de Christophe Bec est des plus photographique c’est à si méprendre. Ainsi un des protagonistes explique qu’il a des caméras partout « d’ailleurs je sais des choses sur chacun de vous. Des choses commises dans un lieu public et dont vous n’êtes pas spécialement fier. Ces petites humiliations quotidiennes ». Cela donne le ton.

Tous attendent Oscar. On retrouve en leur sein la copine d’Oscar : Barbara. Tous sont loin d’être des enfants de cœur. Il apparaît comme le meneur, le dominant du groupe. Quand l’un doute du bienfondé de cette expo Oscar met les choses au clair « Ok il serait temps de remettre les pendules à l’heure c’est moi qui suis à l’origine de cette expo. C’est moi qui prends tous les risques et toutes les responsabilités. C’est donc moi qui prends toutes les décisions ».

Oscar dans cette première partie d’Anna dont on doit le scénario à Stéphane Bedbeter est violent tant dans ses propos que dans ses actes. L’exposition repose sur des photos prises sur le vif, ne vous attendez pas à voir des sujets poétiques. « On fait dans l’impudeur, le sale, le dégueulasse ».

Oscar nous apparaît définitivement comme cruel, antipathique « faut savoir prendre des risques, risquer de voler des images à l’insu des gens sournoisement », « juste pour elle mes (…) pour les exposer à la vue de tous », « leurs exhibitions contraintes et forcées ».

Nous nous doutons dans ce passage de cette BD proposée par la Boîte à Bulles de ce qui est arrivé à Anna. Cela nous sera très vite confirmé. Un mouvement de révolte est en train de s’installer dans le groupe.

Les différentes illustrations de Chistophe Bec restituent parfaitement cela et nous en apprend plus sur le groupe. Dont la liaison de Barbara avec Antoine. Cela à travers différents plans : elle le retient, on voit un insert de sa main sur la sienne. La fin du règne d’Oscar est annoncée « Désormais vous n’êtes plus intouchable. Les suiveurs ont trouvé une faille. Le Putsch est imminent et ce jour la votre règne prendra fin ».

Anna nous entraîne ensuite dans l’appartement d’Oscar. La jeune femme se réveille désorientée et part mener à bien son plan. Une des illustrations se concentre sur une valise cachée sous le lit. Suit une alternance de plan. On finit par discerner le contenu. Anna tient une corde « la corde de la photo, il l’a gardé le salaud ».

Plan sur la boite sur ses genoux où Anna trouve le Dictaphone d’Oscar son seul confident. Elle le met en route. Il y fait l’énoncé froid de ce qu’il lui a fait subir « son projet initial », « je ne pensai pas qu’elle (Anna)le prendrais tant à cœur l’éternelle victime c’est enfin révélé ». Oscar y est cruel, abjecte « c’est une victime née je n’ai été que le révélateur. En tout cas je l’ai viré illico presto (…)j’ai eu ce que je voulais elle aussi a eu quelque chose en retour (…) ».

Malheureusement pour lui, Oscar s ‘est trompé sur Anna ou tout au moins ce qu’il lui a révélé va se retourner contre lui. Dans un plan large, nous voyons la jeune femme en contre-plongée elle tient le Dictaphone à deux mains et s’écrit « je ne l’abandonnerai pas ». La scène se poursuit par un plan large d’Anna de dos. Le Dictaphone continu à tourner « De toute façon c’est terminé aujourd’hui (…) point final sur Anna ».

Face à elle des photos subversives, humiliantes dont l’une d’elle la met en scène ligotée comme dans une scène insoutenable de soumission. Les cheveux noirs Anna y est allongée à côté des toilettes. Anna se révolte « je ne suis pas de la viande morte ». Elle se rebelle nous la retrouvons détériorant sa photo « comme ça c ‘est mieux ». Contrairement à ce que pensait Oscar ce n’est pas la fin d’Anna, mais le début de la fin pour lui dans cette BD proposée par la Boîte à Bulles.

Le chapitre V d’Anna se nomme Psychose rappelant un autre chef d’œuvre d’Hitchcock. C’est dans cette partie de cette BD proposée par la Boîte à Bulles que tout va basculer inexorablement pour Oscar. Il croit tout au moins dans un premier temps être le maître du jeu.

Ainsi, Oscar rentre chez lui en aspirant au « repos bien mérité dans les bras d’une courtisane ». Succession de plan montrant Oscar rentrant chez lui. Anna serait la courtisane dévouée. Le lien avec le film noir et plus particulièrement Vertigo est clairement établit ici dans le scénario de Stéphane Bedbeter et les illustration de Christophe Bec.

On voit un court instant un effet qu’on peut être tenté de rapprocher du méta-cinéma. Sur l’écran de la télé on aperçoit Kim Novak. Anna a bien avancé dans sa mise en scène. « Parce que j’aime les blondes tu t’es métamorphosé en blonde ». Plan sur Oscar on discerne à peine Anna « J ‘aime Vertigo et comme par hasard au moment où j’arrive tu regardes Vertigo ».

Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles
Anna Scénario de Stéphane Betbeder. Illustrations: Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles

Plan large, on discerne à la télévision un gros plan sur Kim Novak « y a pas a dire tu as une forte personnalité ». Par opposition avec la scène qui se déroule devant nos yeux nous voyons un autre plan de Vertigo où un couple s’embrasse. « Mais là où tu te goures c’est qu’il n’y a pas de Happy-end jamais ».

Comme vous aurez l’occasion de vous en rendre compte durant votre lecture de cette BD proposée par la Boîte à Bulles Oscar s’illusionne. S’il n’y a pas de happy-end c’est surtout pour lui. Tous deux sont assis côte à cote, Anna ne semble pas avoir quitté l’écran des yeux « tu as fais une croix sur tes penchants brune victime et t’a enfin opté pour la blonde fatale ».

C’est a ce moment précis d’Anna que la notion de thriller psychologique prend tout son sens. Le rapport de force va irrémédiablement changer. Anna va asseoir sa volonté, dominée et nous apparaître dans toute sa froide folie. En même temps en regard de la personnalité d’Oscar on ne ressent pas ou peu d’empathie pour lui.

Anna va agir froidement de façon calculatrice mais surtout avec une bonne dose de folie. Menant à la chute inexorable d ‘Oscar qui perd son statut de dominant. Durant votre lecture de cette œuvre issue du talents combinés de Stéphane Bedbeter et Christophe Bec vous vous apercevrez que les suiveurs d’Oscar sont tous aussi vils et abjectes que lui. Tous veulent prendre la place du dominant.

Cette BD proposée par la Boîte à Bulles nous plonge dans un thriller psychologique aux accents de film noirs. A la fois sombre et cruel, le récit est des plus captivants. Il nous livre une belle histoire de vengeance, de lente descente dans la folie et la cruauté. Vous apprendrez à vous méfier des apparences et à craindre la vengeance d’un être blessé.

Assistez à la grandeur et la décadence d’un dominateur qui va trouver plus fort que lui dans Anna de Stéphane Bedbeter et Christophe Bec

Anna de de Stéphane Bedbeter et Christophe Bec. Édition La Boîte à Bulles.

Prix : 22 €

Pour plus d’info / vente en ligne : https://www.la-boite-a-bulles.com/

Rédactrice freelance, Pigiste

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