Culture

Passez de l’autre côté du miroir dans un conte de fée inquiétant avec Nicnevin et la reine de sang des Editions Humanoïdes Associés

Nicnevin et la reine de sang. Edition: Les Humanoïdes Associés
Nicnevin et la reine de sang. Edition: Les Humanoïdes Associés

Nicnevin, une jeune fille comme les autres voit sa vie chamboulée quand elle doit passer avec sa mère et son frère ses vacances d’été dans la maison familiale au cœur d’une inquiétante forêt. Lieu connus par tout le monde comme étant « La maison de la sorcière ».

Lieu où tout semble possible et où la mort semble rôder. Des événements étranges, magiques, lugubres se multiplient autour d’elle, une menace semble planer autour de Nicnevin.

Onirique. Féérique. Envoutant. Terrifiant. Voici les termes qui caractérisent le mieux la bande dessinée Nicnevin et la reine de sang proposée par les Editions Humanoïdes Associés. Nous devons ce véritable ovni du genre aux talents combinés de quatre artistes hors pairs : Helen Mullane pour le scénario, Dom Reardon pour le dessin, Smith pour la page du titre, Lee Loughride pour la couleur et pour finir en beauté Jock pour la page de fin. Préparez-vous à plonger dans un monde féerique, mais surtout inquiétant qui saura en captiver plus d’un ou d’une.

Le titre de cette BD Nicnevin et la reine de sang est déjà des plus prometteurs et saura attirer l’attention des fans d’horreurs dont je fais partie. Cette impression est renforcée par la couverture qui donne le ton avec ses accents des plus inquiétants.

On y voit une jeune fille y lire un livre sur un fond rouge sang. Ses cheveux noirs de jais sont dressés sur sa tête en une sorte de nébuleuse, nuage de fumée dans lequel nous pouvons apercevoir : une femme, un enfant, un homme et un cerf. En arrière-plan, on peut voir un visage angoissant au teint cadavérique les yeux blancs rappelant le visuel des zombies, mais n’augurant surtout rien de bon. 

Cette bande dessinée proposée par les Éditions Humanoïdes Associés vous plonge dans un univers inquiétant et cela dès la page d’introduction qui dresse une revue de presse plus que positive et prometteuse sur Nicnevin et la reine de sang.

On peut y voir une jeune fille en lévitation sur un fond rouge. On discerne à peine ses traits, elle nous apparaît sous forme d’ombre portée. De la coiffure afro de l’héroïne s’étend un entrelac de branches acérées proches des bois d’un cerf. Cette image m’a fait penser à la créature au centre du Rituel d’Adam Nevill, ce qui a renforcé mon intérêt pour Nicnevin et la reine de sang.

En tant que fan inconditionnée de SF et d’horreur, je ne pouvais qu’être séduite par cette histoire effrayante, surprenante en plein cœur de le Grande-Bretagne qui nous plonge dans un conte horrifique. Nous retrouvons dans cette BD la notion de récit initiatique, mais ici nous sombrons dans l’onirisme sombre dans l’étrange, le maléfique.

On retrouve souvent dans Nicnevin et la reine de sang l’emploi d’une succession de petites vignettes. Elles restituent à la perfection l’action tout en donnant un côté assez cinématographique aux dessins de cette bande dessinée qui nous révèlent tout le brio de l’illustrateur Dom Reardon.

Ce procédé au début du récit nous restitue image par image la préparation d’un rituel, d’un rite. On retrouve en arrière-plan, l’image principale où m’on peut apercevoir un corps dénudé, un cadavre étendu sur ce qui semble être le sol. On retrouve aussi les ustensiles nécessaires au rituel que nous avons pu voir employés dans les petites vignettes.

S’en suit un plan plus large où nous apercevons la scène de plus loin. Nous sommes au cœur de l’obscurité, dans une forêt, on peut voir une dominance de bleu. Le rite se passe au sommet d’une colline. On discerne au loin, une silhouette officiant entourée d’une sorte d’aura, donnant l’idée d’une invocation.

L’univers de Nicnevin et la reine de sang change de registre le temps d’introduire le personnage principal qui a donné son nom à la BD. La couleur des images se fait plus sucrée. On y voit une jeune fille se réveiller, nous devinons qu’il s’agit de notre héroïne Nicnevin Oswald.

Le conte de Nicnevin et la reine de sang commence, nous y apprenons qu’à son grand regret elle va quitter son père pour passer l’été à la campagne. De nouveau on retrouve le côté des plus cinématographiques des illustrations de cette bande dessinée. On voit dans le rétroviseur de la voiture l’image de son père s’éloigner, s’estomper en partie donnant l’idée qu’ils ne se reverront plus, qu’ils se disent adieu.

Nous apercevons ensuite le portrait de Nicnevin, tandis que le paysage défile au loin à travers la vitre de la voiture. On voit sur la multitude de petites vignettes une nuée d’oiseaux qui semblent suivre la voiture, se rapprocher en allant jusqu’à envahir la dernière vignette.

Une fois arrivée à destination les illustrations de Nicnevin et la reine de sang se font plus sombres, plus inquiétantes. Nous pénétrons dans un autre univers où la nature a repris ses droits. Un renard observe leur arrivée de loin.

Le milieu nous apparaît peu engageant donnant presque l’idée qu’on a quitté la civilisation. La maison semble limite à l’abandon. Nous apprendrons qu’elle a mauvaise réputation et est connue comme ayant abrité une sorcière. Seule l’échange de textos entre Nicnevin et sa copine et restitué à la perfection avec des couleurs acidulées s’opposent au « côté terne du lieu ».

Comme souvent dans cette bande dessinée proposée par les Humanoïdes Associés la frontière entre le rêve et la réalité semble mince. Nous avons parfois l’impression d’être à la croisée des mondes entre onirisme, réalisme et cauchemar.

Nous pouvons voir les paroles d’une chanson, d’un conte féerique s’opposer à des illustrations sinistres même si tout semble finalement lié. « L’entrée du pays des rêves » est mise en résonnance avec l’image où l’on voit un arbre massif inquiétant aux branches acérées et aux racines des plus tortueuses. Dans son tronc, on peut apercevoir un trou dans lequel brille une lueur rouge.

A travers une succession de vignettes, on voit la lumière se faire de plus en plus prononcée rappelant celle d’un feu incandescent. On finit par discerner la silhouette d’un chien avec suspendu au-dessus de sa tête ce qui ressemble à une auréole. Il semble être le gardien du royaume des fées.

Cette impression semble renforcée par la suite du conte « loin sous terre la lueur de l’âtre et le gui, gardent la porte…». L’image se resserre sur le chien qui nous apparaît de plus en plus menaçant tout crocs dehors, limite démoniaque avec ses yeux rouges. Il ressemble finalement plus à Cerbère le gardien des enfers plus qu’à celui d’un univers féerique. Cela laisse plutôt présager une plongée au cœur des ténèbres.

Nous découvrons qu’il s’agit d’un cauchemar fait par Nicnevin, mais en est-ce vraiment un, car une fois réveillée après avoir décidé de prendre l’air, elle entend un bruit qui se rapproche. D’abord effrayée, elle découvre qu’il s’agit d’un homme qui fait un jogging accompagné de son chien. Gros plan sur ce dernier dans une image qui reprend à la perfection celle du cauchemar. Le chien est à nouveau tout crocs dehors, seuls ses yeux sont différents. Ils sont blancs limitent révulsés et non pas rouge. Le rêve de Nicnevin semble alors prendre des accents de vision prémonitoire.

L’atmosphère change à nouveau comme c’est souvent le cas dans Nicnevin et la reine de sang. La forêt au grand jour apparaît tout de suite moins menaçante, plus colorée. On dirait que deux univers distincts coexistent. On aura cette sensation plusieurs fois durant notre lecture de cette bande dessinée des plus captivantes.

Nicnevin s’amuse à effrayer son frère en lui racontant des histoires de croquemitaines qui viennent enlever des gens. Dans une sorte de raccord regard, on aperçoit l’avis de recherche d’une femme âgée Nicnevin s’en sert pour étayer ses dires. Cette scène renforce l’idée de menace qui semble entourer l’héroïne ou de mise en garde comme on en trouve souvent dans les contes de fées. Nous retrouverons souvent ce cas de figure dans ce conte initiatique aux accents cauchemardesques.

Il ne nous faudra pas attendre longtemps pour revoir ce principe dans Nicnevin et la reine de sang. La jeune fille les bras chargés de courses décide de monter dans la voiture d’un bel inconnu qui lui propose son aide. Elle brave un interdit, commet une imprudence.

Durant ce trajet nous retrouvons la qualité cinématographique des images alliée à l’emploi assez récurrents d’onomatopées. Associés dans ce contexte à une expression de surprise « qu’est-ce que c’est ? ». On voit à cet instant des oiseaux qui entourent la voiture.

Dans une succession de vignettes on a l’impression de voir l’action se dérouler devant nos yeux. Un oiseau en particulier apparaît en gros plan, il semble les surveiller instaurant une impression d’inquiétante étrangeté voire de mise en garde. On peut être tenté comme je l’ai été d’y voir un clin d’œil au chef-d’œuvre d’Alfred Hitchcock des plus angoissants : Les Oiseaux.

Lorsqu’ils arrivent à bon port, un thème des plus prometteurs et celui que nous attendions est enfin annoncé dans une phrase lourde de sens « Tu sais que c’était la maison d’une sorcière ici ?/ Non juste de grand-mère ». Instaurant l’idée de magie en héritage voire plus l’idée de superstitions et de préjugés des villageois. Il nous restera plus qu’à être patient afin d’en apprendre plus.

Au fur et à mesure de notre lecture de Nicnevin et la reine de sang un lien tangible magique voire omniprésent paraît être suggéré entre l’héroïne et les animaux. Ces derniers semblent faire écho à ses sentiments. Ainsi quand Nicnevin va observer Reggie (son chevalier servant) des animaux sont assis de part et d’autre d’elle, au pied de l’arbre un renard l’observe.

Cette notion semble de plus en plus se préciser dans cette bande dessinée des Éditions Humanoïdes Associés. Dans une scène de nuit, on aperçoit Nicnevin à travers la fenêtre de sa chambre. Par l’entremise d’une succession de petites vignettes, on voit un majestueux oiseaux blancs, toujours le même, posé au bord de sa fenêtre qui finit par s’éloigner de plus en plus. Nicnevin se retrouve au centre de son ombre portée.

Les animaux semblent se rapprocher peu à peu d’elle, pour finir par se laisser toucher dont un splendide cerf aux bois majestueux accompagné de ses biches. Ils donnent l’impression d’attendre Nicnevin devant son école. Scène qui ne passe pas inaperçu et éveille la surprise de Reggie « c’était curieux » alors que pour elle cela semble limite naturelle. Comme semble l’attester ses propos assez énigmatiques « il me connaît », « il semblait savoir exactement où il allait ».

Nicnevin et la reine de sang. Les Humanoïdes Associés
Nicnevin et la reine de sang. Edition: Les HumanoIdes Associés

Dans cette bande dessinée proposée par les Humanoïdes Associés la quiétude paraît souvent mise à mal et l’horreur ne jamais être loin. Tapie dans l’ombre, elle semble prête à agir. Ainsi dans une scène en apparence de grande quiétude alors que le petit frère de Nicnevin joue avec ses amis, il tombe sur un sacrifice humain, un meurtre.

L’usage d’une succession de petites vignettes restitue à la perfection la violence du crime. On peut voir le corps d’une vieille femme allongée sur une sorte d’autel, on peut apercevoir aussi des éclaboussures de sang. Un brin de gui repose sur elle et renvoi au sacrifice qui a ouvert Nicnevin et la reine de sang.

Les images violentes alternent avec un raccord sur les yeux écarquillés, effrayés de l’enfant. On voit en ombre portées dans une série de vignettes en noir et blanc, une silhouette égorger une femme, seul le sang apparaît en couleur avec un rouge des plus vifs. La tranquillité est mise à mal, tout ne semble être qu’illusion. Ce qui paraît être souvent le cas dans Nicnevin et la reine de sang, il vous faudra vous méfier des apparences.

La plongée au cœur des ténèbres se fait par degré. On peut apercevoir des démarcations dans l’histoire avec l’emploi de figure proche du fondu au noir, durant l’une de ces parties on peut voir des branches d’arbres acérés d’un rouge flamboyant.

Nicnevin et la reine de sang nous plonge petit à petit dans l’histoire des lieux à travers des récits féeriques ou historiques. Pour ces derniers ils se révèlent haut en couleur, mais se terminent quand même sur une note angoissante qui ne laisse rien présager de bon. On y voit une silhouette brûler sur un bûcher incandescent.

Le thème de cette bande dessinée semble de plus en plus précis. Quand Reggie prend le thé avec Nicnevin et sa mère, ce dernier aborde l’ancienne religion qui avait cours dans ce lieu. Il répète de nouveau qu’une sorcière vivait dans cette maison. La mère de notre héroïne ne semble pas étonnée voir même plutôt amusée « oui il s’agit de ma mère et de ma grand-mère et s’en doute de sa propre mère. Il y a de la magie dans notre famille en quelque sorte ».

La Bd proposée par Les Humanoïdes Associés nous entraîne dans un conte initiatique horrifique avec l’emploi récurent de scènes gores pour le plus grand plaisir des fans d’horreur dont je fais partie. La magie, la féerie semblent y tenir une place des plus importantes, mais peut être que cela n’est qu’une douce illusion dissimulant les ténèbres et le mal qui paraissent vouloir entraîner Nicnevin vers le côté obscur.

Cette tentative d’envoûtement, de séduction se fait étape par étape et semble contaminer les illustrations qui se font par instant plus sombres, porteuses de sombres présages. Nicnevin fait d’étranges découvertes chez elle dont de multiples cahiers sûrement des journaux intimes. La notion de la mise en garde est souvent employée comme c’est le cas dans les contes, sans pour autant qu’ils soient pris en compte ici.

En poursuivant votre lecture de Nicnevin et la reine de sang, nous plongeons un peu plus dans un royaume onirique. Nous nous doutons que nous sommes à nouveau dans un des rêves de Nicnevin. Nous retrouvons le même arbre à la fois majestueux et inquiétant, elle se dirige vers lui sous le regard inquisiteur de deux créatures fantastiques : un faune et un centaure. Nicnevin plonge au creux de cet arbre comme Alice elle passe de l’autre côté du miroir. Dans un autre univers, vêtue d’une robe blanche. Durant sa chute on voit une multitude d’objets que nous avons pu apercevoir tout au long de notre lecture tomber avec elle.

Une fois passé de l’autre côté du miroir nous sommes bien loin du royaume des fées. Nicnevin se dirige vers un piédestal incandescent sur lequel repose un livre. Ce dernier nous renvoi à celui qu’elle a trouvé chez elle et nous apparait comme une mise en garde. Quand Nicnevin veut l’attraper le livre se referme violemment. Une fois de nouveau ouvert un visage menaçant en sort irradiant les cheveux ébouriffés, une couronne de ronce cingle son front, sa bouche semble grande ouverte sur un cri.

Le petit plus de cette BD proposée par les éditions Les Humanoïdes Associés est de mettre en place la mythologie de son histoire entre conte de fées et épouvante. Nous suivons avec passion le récit initiatique de Nicnevin qui semble être attirée, tentée par l’héritage familial. Car comme la si bien dit sa mère a magie a toujours été présente dans sa famille.

L’horreur, les ténèbres ne sont jamais loin. Les disparitions mystérieuses et les morts se multiplient autour de Nicnevin. Elles donnent l’impression de se rapprocher d’elle..

Préparez-vous à pénétrer au cœur de l’horreur dans un conte de fée maléfique grâce à Nicnevin et la reine de sang.

Nicnevin et la reine de sang d’Helen Mullane. Editions les Humanoïdes Associés.

Prix : 17,99 euros

Pour plus d’information/ vente en ligne : https://www.humano.com/

Rédactrice freelance, Pigiste

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